vendredi 11 février 2022

 

NOUVELLE DE FEVRIER


La guirlande du Cap Bénat



Elle avait été conçue à Gennevilliers, dans une usine de matériel électrique, en ces temps reculés où la production était encore française. Taïwan n'avait pas encore noyauté le monopole et inondé le marché. Elle avait somnolé quelques temps en entrepôts, assez peu en fait. Elle était rapidement passée de son lieu de stockage aux mains du responsable CGT de l'imprimerie « Vifdeu-Violette ». Et, comme entre camarades on s'entraide, elle était de toutes les fêtes communistes de la corporation.


Elle avait été parée d'ampoules multicolores ; bleues, jaunes, vertes, rouges, surtout rouges. Trente mètres d'un collier de perles de lumière en faisait une illumination. Elle avait été de toutes les javanaises, de toutes les moules frites, de toutes les saucisses grillées sur bidon fendu en deux. Elle vibrait au son de l'accordéon, des discours enflammés de camarades, des citations clamées du « Capital ». Il ne se passait pas une occasion où on n'entonnait pas sous ses feux « l’internationale ».


Elle avait connu mai 68 et au décours, les grandes grèves du milieu de l'imprimerie industrielle française. Avec l'immobilisation de la production, le temps suspendu avait fait son œuvre. Le fruit avait gangrené jusqu'à son pourrissement. Les imprimeries avaient fermées les une après les autre. Bien avant d'être supplantées par l'impression numérique qui ne devait devenir florissante que trente ans plus tard.


Lors de la faillite de l'usine « Vifdeu-Violette », la guirlande s'était retrouvée abandonnée. Les rats avaient quittés le navire, ne restait que le capitaine et son état major, qui avait récupéré ce qui pouvait encore être sauvé. La distribution avait été vite répartie. La guirlande, sur le principe du : « ça peut toujours servir ! », avait échoué dans un sous-sol du Val d'Oise, au fond d'un carton ouvert de récupération.


Elle avait encore connu quelques jours heureux. Elle sortait pour Noël et grimpait jusqu'au plus haut d'un des sapins du jardin, pour le plus grand bonheur de la petite fille de la maison. Dominant la vallée de l'Oise, bien au dessus du clocher du village, elle rayonnait remarquée.


Mais la petite fille avait grandi. Elle était partie faire ses études à Paris. La guirlande n'était plus montée dans le sapin. Elle était restée oubliée, à prendre la poussière, en une petite mort annoncée.


Plus tard, quand les petits enfants étaient venus, le sapin avait beaucoup grandi. La grand-mère n'avait pas voulu que le grand-père ait l'imprudence de grimper dedans. Il était bien tenté, mais il s'était montré raisonnable. Rien ne destinait plus la guirlande à sortir un jour de sa boite.


Pourtant, lorsque le mariage de Matthieu avait été annoncé, Fanny avait prétendu créer une ambiance de guinguette dans le jardin de ses parents au Cap Bénat. On avait repensé à la guirlande de Papou, celle de l'usine « Vifdeu-Violette ». La guirlande ne s'était pas offusquée de passer du prolétaire au nanti, du « gros rouge qui tache » au champagne, des parfums d'encre d'imprimerie à ceux des mimosas, ni des bleus de travail aux mousselines vaporeuses. Elle avait accepté de troquer une cour d'usine contre une vue dégagée sur la mer.


Un peu plus tard, elle n'avait pas non plus fait sa pimbêche quand elle s'était retrouvée en plein champ, au soleil du Tarn pour le mariage d'Antoine et Noémie. Avec les cloches carillonnantes de l'église toute proche pour remplacer l'accordéon, la tresse de mozzarella ou les mignardises pour supplanter les saucisses et le Gaillac servi dans des verres à pieds plutôt que le ginglet* en gobelet plastique.


Elle avait voyagé. Elle avait rencontré du monde. Et elle restait optimiste. Elle se disait que Lou, Margot et Charlie étaient bien en mesure de la retrouver un jour et d'en faire bon usage. Ce qui dénote, de la part de cette guirlande d'une grande tolérance et ouverture d'esprit, que bien peu d'humain, vissés sur leurs certitudes, sont en mesure d'avoir.



Ginglet* vin blanc servi avec des harengs lors de la foire Saint-Martin de Pontoise

mercredi 9 février 2022


 Il devancera peut-être AGRIPPINA...

En tout cas il est en corrections actives. C'est un Bordetella Pertussis "pur jus" celui-là. Attention! Pour les fans inconditionnels, il n'est autre que la réécriture de l'Homme de la maison carrée, totalement retravaillé et augmenté.

Un plaisir a conforté cet exercice et je me suis aperçue que, tout en étant un polar avec son intrigue très spécifique et totalement de fiction pure, l'état d'esprit, pour ce qui est du vécu d'écriture, était assez proche de celui d'Agrippina.

Si l'un est le journal d'un médecin face à une situation sans précédent. L'autre est émaillé des réflexions d'un médecin dans la complexité des situations auquel il est confronté. A vingt ans d'intervalle, c'est édifiant pour son auteure.

 

 SALON DE MOUY 2024 Un accueil chaleureux.  Une journée des plus agréable.  Des échanges, des bons mots et des dédicaces. Tout ce qu'on ...