Défi ou des faits? (texte original complet)

 

Défi ou des faits ?

Luc 23 : 34

Mousseux-sur-Poisse était une petite commune paisible, s’étirant le long de la verdoyante vallée de la Poisse. Surveillée par le clocher élancé de baies hautes et étroites, aériennes et gothiques, la Poisse indolente éveillait les matins de ses ondes scintillantes, accompagnée par les cinq cloches carillonnant les premières mesures de l’Ode à la joie. Un bon village typiquement français avec ses deux bistrots français, son épicerie et sa boulangerie marocaine, sa pizzeria qui se diversifiait depuis peu aux paninis et surtout sa pharmacie, avec cabine de téléconsultation.

L’air du temps suivait la tendance. Il était temps, comme ailleurs, de remplacer les médecins vieillissants par de nouvelles technologies. Seuls les usagers n’étaient pas préparés à ce brutal troc et se rebiffaient contre l’adversité qui frappait tout le pays.

Le premier médecin à arriver en âge de la retraite n’avait pas su partir si facilement. Plusieurs années de sacrifice de son temps et de sa propre espérance de vie au service des autres ne se bousculent pas en une seule ruade. Il était au moins resté une année de plus, en emploi retraite, pour travailler moins, gagner moins et avoir toujours autant de charges. Jusqu’à s’apercevoir que l’équation n’était pas viable.

Il était dans la place depuis si longtemps que personne ne s’était posé la question de ses difficultés. Il n’allait pas s’en plaindre. Il n’avait rien demandé. Les facilités d’installation clamées pour attirer de jeunes médecins n’étaient pas pour lui, puisqu’il était déjà installé. Une évidence !

On ne lui avait pas proposé, comme à une consœur installée elle aussi de longue date de l’autre côté de la Poisse, et qui était contrainte de déménager son cabinet, de passer le pont pour le bénéfice d’un loyer gratuit, en venant s’installer à Mousseux-sur-Poisse.

La conscience professionnelle matinée de culpabilité, inculquée depuis le plus jeune âge des études médicales, confinant à la soumission servile, il avait encore malgré tout cherché des solutions. Et il avait eu une idée ! Proposer ce que les jeunes médecins recherchaient, en exerçant comme tel et céder la place, dès que se présenteraient des nouveaux pour les remplacer. Car ils étaient avec lui en fait, trois médecins à partir avant la Noël.

Lui devait finir à la saison des châtaignes. Dès la période des giboulées, il avait soumis la possibilité de rester en tant que médecin salarié. Nul ne pouvait prétendre méconnaitre la proposition, puisqu’il l’avait formulée auprès de celui qui en mairie était assis à la droite du père, lui-même professionnel de santé, n’ignorant rien de la crise sanitaire du moment.

Son engagement enthousiaste avait réveillé l’engouement de ses confrères. Chacun acceptait finalement de rester, salariés, deux jours par semaine. Deux des médecins et surtout, la jeune remplaçante en passe de soutenir sa thèse, petite fille d’une vieille famille de Mousseux-sur-Poisse. Soit une consultation médicale assurée tous les jours, six jours par semaine. Il n’était en rien question d’interventions ponctuelles pour bonifier leurs rémunérations. Il s’agissait d’un nouveau contrat, différent, en structure salariée organisée. Loin d’un bricolage aléatoire, ce cabinet médical serait en mesure d’attirer de nouvelles recrues, intéressées par le fonctionnement d’un cabinet déjà pérenne, puisque repris de ce que les usagers connaissaient déjà.

Mais il avait semblé aux élus locaux, dans ce grand désert médical, qu’une petite oasis pour étancher la soif avec parcimonie n’avait pas la puissance d’un grand mirage. Tout avait été fait disait-on, les annonces multiples et dispersées, le recours aux chasseurs de têtes qui, contre une belle enveloppe, ne présentaient personne. Il avait été placardé force panneaux et calicots criards, aux polices gigantesques, incitant péremptoires à s’installer là. Avec pour mot d’ordre un nouvel adage : « Un rien vaut mieux que trois tu les as. »

 

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