dimanche 8 mai 2022

 


NOUVELLE DE MAI



Chonchon le phacochère



Chonchon le phacochère avait été trouvé marcassin dans un terrier d'oryctérope, sur la litière de végétaux qui l'avait vu naître. S'il était habituel que la laie mette bas dans l'habitat emprunté à un cochon de terre, il n’était pas commun quel en oubli un, sur la portée de deux à sept qu'elle pouvait avoir. D'ailleurs le termitivore propriétaire attendait exaspéré en proximité. Il faisait les cents pas, en aller-retour fébriles, à vous en donner le tournis. Il fallait le comprendre. Il y avait déjà quatre mois que les sangliers des savanes, en naissant là, l'avait délogé.


Rolihlahla* avait observé le manège du cochon de terre et s'était approché du terrier. Chonchon était là, tout au fond, craintif. Il était encore tout petit, tout mignon. Rolihlahla l'avait pris avec lui et ramené au village. Il l'avait apporté fièrement à sa mère. Elle était occupée à piler du millet entourée d'autres femmes du village, avec sa petite sœur tenue par une étoffe de couleurs chamarrées vives dans le dos. Les femmes avaient vociféré avec de grands gestes pour éloigner Rolihlahla et son phacochère. Elle criait qu'il ne pouvait pas le garder, que le phacochère allait devenir très imposant, envahissant et agressif. Qu'il allait saccager les cases et que chacun ne serait plus chez soi.


Rolihlahla s'était éloigné attristé et était allé relâcher le phacochère dans la savane. Pas assez loin sans doute, l'animal était revenu. Au début, il venait chapardé la nuit, puis s'était enhardi la journée, pour finalement s'imposer au fur à mesure qu'il prenait du poids autant que de l'assurance. Il restait pourtant malvenu, aussi était-il hargneux. Il était ronchon, agressif. Il semblait toujours en colère de quelque chose. Rien ne pouvait le satisfaire. Il était belliqueux. Il fallait tout le temps le rabrouer pour ne pas se voir mordre. Mais dans la mesure où il était seul dans cet état. Il avait fini par être ignoré. Ce qui n'avait rien pour améliorer son caractère. D'autant qu'il pensait être un être d’exception, qui se devait d'être respecté comme une valeur fondamentale de la communauté.


Il avait été satisfait quand la guerre avait éclatée entre deux tribus voisines. Alors que tout le village était pour leurs cousins les plus proches, bien conscient qu'ils étaient le dernier rempart avant l'arrivé des attaquants. Lui, Chonchon le phacochère, était pour les belligérants. Ils avaient le même esprit que lui, celui de prendre le bien d'autrui et de se l'octroyer. Mais il restait tout de même assez seul, aussi était-il allé se trouver des ailiers. Il restait de disponible un chien malingre, qui n'avait plus que la peau sur les os et à peine un semblant d'os à ronger et un mouton, qui rêvait d'herbe verte.

Le chien n'intéressait plus personne. Mais quand il avait été connu que le mouton avait rejoint le puant phacochère. Lui qu'on pensait doux et inoffensif. Proche de la nature et pacifiste. Quand on avait su que cet herbivore était, par association, pour la guerre. Il avait été tondu et embroché pour finir en méchoui. Quant au phacochère, il avait continué de nuire jusqu'à la fin de ses jours. Chacun l'avait laissé croupir dans le fiel de son avanie.


*En Xhosa (langue d'une ethnie sud-africaine), le prénom Rolihlahla signifie "enlever une branche d'un arbre" ou "fauteur de troubles".

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